Archives de catégorie : Ressorties et Compilations

Faith No More – The Works

Faith_No_More_The_WorksCela fait déjà dix ans que Faith No More s’est séparé. Unanimement considéré comme un des groupes les plus influents des 90s, ils ont eu la décence de ne jamais se reformer, malgré les énormes sommes d’argent qui doivent leur être proposées. The Works est déjà la cinquième compilation du groupe, mais contrairement aux précédentes, ce n’est pas un best of, mais une anthologie : par définition, elle est donc plus complète, et s’étend effectivement sur trois disques, ce qui est bien un minimum pour cerner un groupe majeur à la discographie somme toute limitée.

Dès le départ, Faith No More était inclassable. incorporant des élements de funk, de metal, de rap d’une manière inédite à l’époque, ils ont influencé tout ce qui est passé après eux, dont le nu-metal. Mais je préfère blâmer les Red Hot, c’est plus marrant.

C’est avec l’arrivée du nouveau vocaliste, remplaçant Chuck Mosely (présent ici sur trois morceaux), que FNM va prendre une autre dimension. Mike Patton apportera sa voix exceptionnellement modulable et sa folie certaine et contribuera en faire un groupe majeur : les albums The Real Thing et Angel Dust sont unanimement reconnus comme deux des meilleurs disques des années 90 ; le second est coutumier des listes d’albums influents. Mais plus que Patton, c’est la formule qui fait le génie. From Out Of Nowhere et son clavier lifté au black metal, Epic emmené par une ligne de basse monstrueuse, le rap de Patton et un refrain fédérateur : en fait, il se passe tellement de choses dans ces morceaux qu’il faudrait un article pour chacun.

Encore plus impressionnant : quinze ans après, on est toujours stupéfait par l’inventivité de morceaux qui n’ont pas pris une ride, qui sonnent aussi bien qu’au premier jour. il est vrai que lorsqu’on voit la trajectoire post-FNM de Patton, on comprend que ce mec est un malade de la musique, un génie compulsif sans équivalent. Je me mettrais presque à espérer une reformation, juste pour une tournée, comme ça, pour montrer au monde ce qu’ils étaient. Mais il vaut sans doute mieux ne pas tenter le diable.

Pour revenir à The Works, le premier disque est donc centré sur The Real Thing, et est donc, par pur truisme, parfait. Parce que malgré les bizarreries et innovations visionnaires, FNM savait écrire de très bonnes chansons pop. Falling To Pieces en est un autre exemple. Et quand le groupe écrit une ballade acoustique, c’est pour l’appeler Zombie Eaters. Enfin, juste l’intro est acoustique, après ça dégénère, forcément.

L’autre album fortement représenté est Angel Dust, moins direct mais plus expérimental, et sans aucun doute une influence majeure de plus ou moins n’importe qui qui a tenu ue guitare dans la seconde partie des années 90. Tous ses morceaux s’y retrouvent, comme le phénoménal et schizophrène Caffeine, l’implacable Malpractice. l’irrésistile poésie de Be Aggressive ou encore A Small Victory, qui débute de manière disons accessible avant de partir en tangentes. En fait, on devrait parler de chaque chanson individuellement, mais il serait bien plus simple de se procurer Angel Dust de toute urgence, un des meilleurs albums de tous les temps, voilà.

La suite de l’anthologie reprend les meilleurs moments des deux derniers albums, King For A Day, Fool For A Lifetime et Album Of The Year. Il y en a un paquet, donc l’énorme Digging The Grave ou les plus conventionnels (façon de parler) Ashes To Ashes ou The Lost Art Of Murder. Il n’empêche : le départ de Jim Martin, après Angel Dust, est clairement un point de rupture pour un groupe qui n’atteindra plus jamais le (très haut) niveau où ils se trouvaient.

Enfin, le troisième disque fait la part belle aux extraits live et autres raretés : on peut réentendre la légendaire reprise de War Pigs live à Londres ou quelques reprises. Dans ces dernières, on se souviendra d’Easy, version fidèlement ironique du hit de Lionel Richie qui offrira au groupe un succès commercial étonnant et sans aucun rapport avec le reste de sa production.

La voix de Mike Patton marque les esprits. Il est vraiment capable de tout, rappeur, crooner, hurleur : tout y est. Tout, ou presque : la myriade de projets entrepris par notre homme après la séparation de FNM y ajoutera les chapitres éructations death metal et onomatopées (Fantomas, General Patton, Moonchild, et j’en passe allégrement). Faith No More était un groupe, ceci dit, et les innovations en matière de jeu de guitare et de rythmes valent aussi le déplacement. Le guitariste Jim Martin a apparemment disparu de la circulation, mais le batteur Mike Bordin s’est fait un nom, accompagnant Jerry Cantrell et Ozzy Osbourne, entre autres.

On pourrait encore en parler pendant des heures, de la confusion des genres, par exemple : Crack Hitler incorpore du hip-hop, du metal, du funk, et des trucs qui n’ont sans doute pas encore été inventés. Faith No More est un des groupes les plus important des années 90, et ils continuent à influencer aujourd’hui. The Works démontre pourquoi, et pour cela, est une des écoutes obligatoires de 2008.

The Cardigans – Best Of

Cardigans_-best_ofJ’avoue, j’avais oublié les Cardigans depuis quelques années, jusqu’à ce que le duo entre Nina Persson et Manic Street Preachers me rappelle que son groupe avait sorti un très bon album, Gran Turismo, il y a juste dix ans. Comme je ne suis pas trop familier avec l’oeuvre du groupe, ce best of semble l’occasion rêvée de m’y (re)plonger.

La compilation n’oublie aucune période du groupe, avec les débuts limite twee (After All…) mais d’une saveur pop irrésistible (Rise And Shine) mais qui révélaient déjà un petit quelque chose un plus : même si elles ne sont pas comprises ici, le groupe a enregistré et sorti quelques reprises de Black Sabbath. Cardigans, c’est finalement une sorte de pop perverse, facile à digérer de prime abord, mais nettement plus malsaine après réflexion. Carnival, extrait du second (Life) est totalement irrésistible, avec une touche de kitsch délicieux (les cordes très Love Boat).

Le succès arriva avec le troisième, First Band On The Moon, et son hit Lovefool, repris sur la BO du Romeo + Juliet de Baz Luhrmann. Le groupe fera 36 fois le tour du monde, et réussira un tour de force avec Gran Turismo, alliant guitares abrasives et pop parfaite. My Favourite Game (et sa vidéo bannie à l’époque), Erase/Rewind et Hanging Around sont peut-être les meilleurs singles du groupe. Mais le groupe sentira le besoin de faire une pause, et laisseront passer cinq ans avant l’album suivant. Vu que Nina Persson s’était alors teint les cheveux en noir, ça voulait forcément dire que le groupe devenait plus sombre, forcément…

Long Gone Before Daylight était plus sombre, mais aussi étrangement country, et n’arriva pas à reproduire le succès de jadis. Super Extra Gravity non plus, malgré quelques extraits irrésistibles, et plein de personnalité (sans compter que I Need Some Fine Wine And You, You Need To Be Nice est un superbe titre). Parce que finalement, c’est ce qui aura différencié The Cardigans de la concurrence. Pop, oui, mais pop avec attitude, mais pas seulement de la chanteuse. Le futur est incertain, mais ils n’auront pas à rougir de leur passé.


My Favourite Game

Eels – Meet The Eels: Essential Eels Vol. I 1996 – 2006

Meet_the_EelsMa première expérience avec Eels, comme pour beaucoup de monde, c’était le clip de Novocaine For The Soul, réalisé par Mark Romanek et qui passé en haute rotation sur MTV, back in the days. On découvrait en la personne de E (Mark Olvier Everett) un anti-héros indie à la Rivers Cuomo, qui écrit des chansons irrésistibles sur des sujets pas toujours très marrants : le second album d’Eels est entièrement basé une une série assez incroyable de décès dans la famille de E. Une douzaine d’années après, une retrospective en deux parties voit le jour : un best of classique ainsi qu’un double cd de raretés, à réserver aux collectionneurs, comme souvent. On va s’intéresser ici au best of, et comme à a chaque fois, la critique facile se présente, cinglante : qu’est-ce que c’est que ça pour une sélection douteuse?

Le deuxième album mentionné plus haut, Electro-Shock Blues, est peut-être le meilleur album du groupe, et deux morceaux en sont extraits. Etait-ce pour ne pas complètement déprimer l’auditeur? Possible, mais en tout cas très peu représentatif, même si Last Stop:This Town (bricolage de génie presque Beckien) et le très optimiste 3 Speed ("Why am I such a fucking mess", ou encore "I’m dead but the world keep spinning") ont largement leur place ici. Assez râlé, de toute façon, il y a suffisamment de perles ici, de morceaux écrits avec émotions et parfois enregistrés avec des bouts de ficelle ou un orchestre, selon les désirs de Mr E.

Eels change assez facilement de style, de la ballade morbide au full on rock, mais leur marque de fabrique reste un certain concept de l’indie song US, midtempo et mélancolique. Rien n’est vraiment à jeter ici, malgré les vingt-quatre morceaux, et une surreprésentation du dernier album, au demeurant très bon. On saluera d’ailleurs le souci d’exhaustivité, avec trois morceaux hors album (dont une bonne reprise du Get Yr Freak On de Missy Elliott).

Eels restera à jamais un groupe relativement mineur, mais qui vaut la peine : ce best of et Electro-Shock Blues feront très bien l’affaire comme porte d’entrée d’un monde complexe mais attachant.

3 Speed

Rolling Stones – Rolled Gold +

stonesRolled Gold + n’est pas une compile de Noël en plus. C’est LA compile. Originellement sorti en 75 mais jamais édité en cd, il se voit augmenté de 12 morceaux (d’où le +) pour voir sa durée dépasser les 150 minutes. Il fait suite au précédent best of du groupe, Forty Licks, mais est nettement supérieur à celui-ci, pour deux raisons majeures. D’abord, le son est plus authentique, au dessus de la bouillie de Forty Licks. Ensuite, et surtout, même si on ne parle que de dix ans de Stones, tout était dit. Alors que, pour Forty Licks, il fallait accomoder les différentes époques du groupe et même caser quatre inédits, ici on ne doit juste que reprendre les meilleurs morceaux datant de 63 à 72, soit, en fait, de leur carrière. Bon, on pourrait peut-être, en tirant la corde, regretter It’s Only Rock ‘n Roll ou Start Me Up, mais Jump Back (la compile qui reprend 71-93) suffit amplement. Et le moins on parle d’Angie, le mieux c’est.

Comme leurs illustres pairs de l’époque, les Stones ont débuté avec des reprises de standards rock ‘n roll : Chuck Berry, Buddy Holly, et même un original de Lennon/McCartney. Peu de temps après, le premier original signé Jagger/Richard (Keith n’avait pas encore ajouté le "s") voit le jour. C’est à partir de 64 que la grande majorité des morceaux des Stones seront originaux. Même si Jagger a bien appris ses leçon : le double sens de Little Red Rooster sera repris tout au long de sa carrière, jusqu’au récent A Bigger Bang.

Les choses sérieuses ne commencent qu’avec le dixième morceau, The Last Time. Puis, la déferlante de morceaux exceptionnels. (I Can’t Get No) Satisfaction, forcément, mais aussi Get Off Of My Cloud, Paint It Black (sérieusement une des meilleures chansons de tous les temps, rien à dire), Mother’s Little Helper et ses traits acide de critique sociale chère à Jagger. Under My Thumb, s’il fallait le prouver, montre les talents de Charlie Watts, batteur d’une grande finesse avant que l’excellent Have You Seen You Mother Baby, Standing In The Shadows clôture le premier disque. On l’a déjà dit, le riff de Satisfaction pourrait déplacer des montagnes, et les différentes significations du texte ne font que renforcer son status d’icône. Mais je le répète, Paint It Black est vraiment un morceau exceptionnel, la voix de Jagger est légendaire, menaçante, terrifiante. Le premier crash de batterie de Watts vaut bien tout le heavy metal du monde.

Pas grand chose à dire, évidemment. Des débuts hésitants et forcément peu originaux, mais le rock ‘n roll était si jeune. La paire d’auteurs/compositeurs Jagger/Richards ne fera que monter en puissance, ce que le second disque montre parfaitement. Ruby Tuesday, She’s A Rainbow, Jumpin’ Jack Flash, Sympathy For The Devil, et un final ébourriffant : Gimme Shelter, You Can’t Always Get What You Want, Brown Sugar, Honky Tonk Woman et Wild Horses. Les mots ne suffisent pas, il faut se taire et écouter. Mais Gimme Shelter… Difficile, après tout ça, ne ne pas considérer le Stones, ces Stones, comme le plus grand groupe de rock du monde. Ils l’étaient.

Alors, forcément, ça a méchamment dégénéré. La paire Jagger/Richards vire au pathétique, entre concerts privés pour détenteurs de carte de fidelité de supermarché suisse et chute de cocotier, en passant par des albums dont personne n’a quoi que ce soit à foutre. Les Beatles n’ont eu que dix ans de carrière, Nirvana huit, les Stones quarante-cinq, et ce n’est pas fini. Alors, forcément, on perd de sa puissance, de son intensité, de son utilité. Ils auraient définitivement du raccrocher il y a bien longtemps, mais ce n’est pas notre décision. Notre décision, c’est de se souvenir des Stones par, et pour, Rolled Gold, qui compile leurs plus grands moments. On pourra toujours s’attaquer aux albums après Pirates des Caraïbes.

 
 
Paint It Black

 
 
Gimme Shelter

Daft Punk – Alive 2007

Je ne suis pas fan de Daft Punk, même si j’ai pas mal apprécié le premier album, tout en détestant Human After All. De même, je me demandais l’intérêt de sortir un album live pour de la musique qui n’est quand même pas techniquement « jouée live ». Comme j’avais tort.

Alive 2007 est une véritable bombe, même pour quelqu’un qui préférerait être pendu par les pieds au sommet de l’Atomium à me retrouver dans une boîte technohouse. Les deux artistes démolissent leurs propres morceaux, les réarrangent et les boostent à coups de basses et d’effets sonores, et ce dès le début, avec une intro monstrueuse : des samples ping-pong de Robot Rock (ROBOT!) et Human After All (HUMAN!) avant que le vrai début de Robot Rock emmène Bercy dans une transe d’une heure et demie. Tous les hits y passent, des Around The World et Da Funk des débuts à un mashup ultime One More Time/Aerodynamic, en passant par Rollin’ And Scratchin’ + Alive, comme si c’était 1997.

On pourra toujours reprocher quelques longueurs, mais c’est de la house, et la basse énorme et les beats dévastateurs (Prime Time Of Your Life) compensent largements. Le rappel, étrangement placé en cd bonus d’édition limitée (mais il est vrai, relativement dispensable), reprend One More Time en y ajoutant Together et Music Sounds Better With You, des projets parallèles des deux robots.

Un des rares albums live essentiels, et plus terre à terre, une véritable tuerie.