R.E.M., c’est donc fini. Jusqu’à l’inévitable réunion lucrative, disent déjà les plus cyniques. Peut-être, on verra bien. Mais là, maintenant, R.E.M. a tiré un trait sur trente ans de carrière à l’aide de cette compilation qui se veut, pour la première fois, complète. En effet, les précédentes compiles du quatuor devenu trio d’Athens, Georgia étaient éditées par l’un ou l’autre de leurs deux labels successifs, IRS et Warner. Part Lies … relie les deux périodes, avec treize extraits IRS et vingt-sept Warner, dont trois inédits.
Forcément, on parle ici d’une compile grand public récapitulative d’une carrière qui a débuté en 1982. Elle se devait donc de reprendre leurs plus grands succès (oui, y compris Shiny Happy People) et se concentrer sur les périodes les plus fructueuses du groupe en termes de succès commercial. On aura donc beaucoup d’extraits de Green, Out of Time et Automatic for the People, mais nettement moins des albums post-1992, dira-t-on. Mais chaque album du groupe est représenté, et si l’on pourra facilement chicaner sur l’absence/présence de l’un ou l’autre morceau, le tracklist semble assez satisfaisant.
L’écoute de l’album, structuré chronologiquement, permet aisément de suivre l’évolution du groupe. Leurs débuts « college rock », où les paroles de Michael Stipe étaient alors absolument incompréhensibles. Leur arrivée chez Warner, et ensuite l’accumulation progressive de hits : Losing My Religion, Shiny Happy People, Everybody Hurts, Man on the Moon. Leur installation dans le rock contemporain comme un des plus gros groupes du monde, et la sortie régulière d’albums qui ne feront plus trop parler d’eux, jusqu’au très musclé Accelerate et le tout dernier, Collapse Into Now. C’est d’ailleurs une des idées préconçues les plus solides sur R.E.M : qu’ils ne font plus rien de bon depuis dix, quinze voire vingt ans. S’il est vrai qu’ils ont connu une période creuse en ce qui concerne la qualité de leurs albums, ils ont à chaque fois réussi à sortir quelques popsongs fantastiques lors de leur troisième décennie, comme le sous-estimé Leaving New York, Imitation of Life ou encore The Great Beyond et Bad Day. Mais on retiendra surtout de R.E.M. cette faculté de créer des atmosphères souvent fort particulières, sans (presque) jamais céder aux modes. L’étrange, inquiétant et méconnu New Adventures in Hi-Fi en est un parfait exemple.
On pourrait aisément parler de chacun des quarante morceaux présents ici, mais analyser R.E.M est aussi futile que tenter de déchiffrer les paroles de Gardening at Night. R.E.M. est incontestablement un des groupes rock les plus importants de l’histoire. Alors, est-ce qu’il a toujours mérité son statut? Est-ce qu’il est un des meilleurs groupes depuis que Les Paul a créé la guitare qui porte son nom? R.E.M. n’a jamais vraiment poussé les limites de la composition musicale, a connu quelques périodes creuses, mais restera toujours, au moins, un bien bon groupe rock. Ceci en est son anthologie. Libre à chacun de pousser la découverte ou l’approfondissement dans les quinze albums studio du groupe, où on trouvera, effectivement, un peu de déchet, mais beaucoup de coeur. Farewell.
Spotify : R.E.M. – Part Lies, Part Heart, Part Truth, Part Garbage 1982–2011