Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Prodigy – Invaders Must Die

Le temps passe, et je continue à suivre des groupes qui m’intéressaient quand j’étais ado. Prodigy est l’un de ceux-là, j’ai vécu leurs premiers succès avec le bourrin mais sympa Music for the Jilted Generation et leur méga domination mondiale (enfin, européenne) avec Fat of the Land. Puis, je n’ai plus jeté qu’une oreille à ce qu’ils font, de manière plutôt nostalgique. Je trouvais Always Outnumbered, Never Outgunned assez moyen en 2004, cet Invaders Must Die est fort différent, notamment grâce au retour des vocalistes Maxim et Keith Flint, exclus du précédent.

De manière assez positive, ils ont (ou plutôt il a, vu que Liam Howlett reste seul maître à bord) réussi à renouveler leur son, il est vrai fort daté (allez y, écoutez Firestarter maintenant. Oui, c’était mieux avant). Plus de claviers rave, moins d’attitude subpunk, l’album peut se laisser apprécier, s’il n’avait pas la subtilité de Wayne Rooney une nuit de weekend. Omen, le premier single est assez dingue, mais les voix reggae de Thunder irritent vite. Keith Flint fait un comeback rageur avec Colours et surtout Take Me to the Hospital (« along came a spiderrrrr ») alors que la voix féminine de Warrior’s Dance est plus Jilted que Jilted.

Les influences punk refont leur apparition sur Run With The Wolves, qui nous gratifie d’une performance de Dave Grohl très Songs For The Deaf. Très agressif et efficace. Malheureusement, la suite est nettemenrt moins heureuse, Worlds On Fire fait penser à un mauvais tube eurodance alors que le final Stand Up rappelle les pires chansons à boire d’Oasis (All Around The World en pire, même pas drôle).

Malgré quelques bons moments, Invaders Must Die ne se laissera pas réécouter souvent. The Prodigy est un autre groupe qui appartient aux années 90 et qui n’a plus vraiment sa place aujourd’hui. Par chance, ils arrivent encore à sortir de la médiocrité, même s’ils n’ont absolument plus aucune relevance. Better to burn out than fade away, etc etc…

Therapy? – Crooked Timber

Il y a très peu de groupes qui font une carrière sans faute. On finit toujours par se ramollir (au mieux), par tenter de se réinventer (Radiohead étant l’exception confirmant la triste règle) ou pire, par devenir totalement inutile et embarrassant (chaussures compensées + grosses lunettes, guitariste à bonnet? Eux.). Le douzième album de Therapy? est un de leurs tous meilleurs, tout en étant, comme souvent, différent de ce qu’ils ont fait auparavant.

Therapy? est un de mes groupes préférés, que je suis depuis pas mal d’années, et qui ne m’ont jamais vraiment déçu. Cependant, les deux derniers albums (Never Apologize Never Explain et One Cure Fits All), tout en étant largement décents, n’apportaient que peu au canon des irlandais. Trois ans après, il fallait sans doute se réinventer, et c’est ce que le groupe a fait, notamment en invitant Andy Gill à la production. Gill, influence majeure de pas mal de monde s’inspirant de son groupe Gang Of Four, a réussi à insuffler une nouvelle dynamique à Therapy? Le groupe sonne très soudé, avec une mention très spéciale à la basse de Michael McKeegan. C’est simple : la basse est l’instrument majeur d’un album à la rythmique aussi impeccable que dévastatrice.

On le remarque d’entrée de jeu avec The Head That Tried To Strangle Itself, ou la dynamique (oui, je me répète) du power trio est poussée à son maximum. Therapy? n’a jamais semblé aussi tight depuis le départ de Martin McCarrick. Il faut donc souligner la place du batteur Neil Cooper : non seulement il rappelle parfois Fyfe Ewing, le légendaire premier cogneur de fûts du groupe, mais il complète McKeegan à la perfection. Reste le dernier membre, Andy Cairns, dont la guitare est donc fatalement parfois en retrait. Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer des riffs dantesques et une guitare rythmique idéale. Enfin, Cairns profite du caractère novateur des structures des nouveaux morceaux pour tenter quelques nouvelles choses avec sa voix. Certains diront qu’il chante enfin, je dirai simplement qu’il évolue…

Après le morceau d’intro, suivent carrément deux des meilleurs morceaux jamais enregistrés par T?. Enjoy The Struggle possède une rythmique totalement inouïe alors que Clowns Galore rappelle carrément leurs débuts, et Teethgrinder. Peut-être même en mieux, c’est dire. Cairns est rageur, expédie des solos courts limite industriels, et T?, au risque de me répéter, n’a plus sonné comme ça depuis quelques années. Mais Crooked Timber est assez varié, malgré l’approche bassique (oui, j’ai fait mieux) de l’album : Exiles est étrangement atmosphérique, comme si T? se retrouve signé par Factory Records il y a 25 ans, alors que Crooked Timber commence par une intro au glockenspiel ultramélodique, avant que la basse de McKeegan ne balaye littéralement tout ce qui passe.

On se s’ennuie pas : I Told You I Was Ill pastiche leur tout premier album en ce qui concerne le son de la batterie, pendant que Cairns joue son crooner sur un accord des Ramones. Wow quoi. Somnanbulist et Blacken The Page ramènent un peu le groupe vers leurs influences punk (mais c’est pas Shameless non plus). En fait, c’est tellement varié que s’il n’y avait pas la voix de Cairns, on se demanderait pendant tout l’album de qui il s’agit, surtout avec le morceau suivant. Magic Mountain est 1) un instrumental de dix minutes 2) le truc le plus étrange jamais sorti par T? 3) un morceau qui ne leur ressemble pas 4) un morceau qui ne ressemble à personne d’autre. Parfois un peu répétitif, mais l’intention était là. Enfin, Bad Excuse for Daylight amène un peu de mélodie sur une couche grasse de basse, et clôture un album qui demande qu’on le réécoute immédiatement.

Mon album préféré de 2009 jusque maintenant. Et en plus, il sort en vinyl.

Chris Cornell – Scream

Chris Cornell, 44 ans. A sorti quelques bons albums avec Temple of the Dog et Soundgarden. Certains morceaux d’Audioslave étaient décents. Son premier album solo, Euphoria Morning, n’était pas mal du tout, le suivant déjà moins. Pour des raisons qui ne regardent que lui, il a décidé de collaborer avec le producteur hip-hop Timbaland pour Scream.

Entendons-nous bien : j’apprécie certains trucs que Timbaland a fait, notamment avec Missy Elliott. Et je ne suis pas non plus un megafan de Soundgarden, sans doute le groupe des big 4 grunge que j’écoute le moins.

Cet album, Scream, est monumentalement mauvais. Timberland a sans doute gardé les beats pour une meilleure occasion, et Cornell n’a plus écrit un morceau décent en quinze ans (d’ailleurs, il y a six ou sept compositeurs. Mais, il y a un mais, je me trompe peut-être totalement, pour une raison simple : pour la première fois depuis que j’écris des conneries sur des disques, je n’ai pas pu écouter l’album entièrement. Mea culpa, mais ce n’était juste physiquement pas possible. Et même s’il y a d’autres choses à dire sur l’album (la pochette, Justin Timberlake, les enchaînements, John Mayer, rien que du solide), il n’en vaut vraiment pas la peine.

PS : le refrain du premier morceau? « That bitch ain’t a part of me, oh no, that bitch ain’t a part of me ».

Morrissey – Years Of Refusal

Tout le monde se reforme. Ceux qui se tapaient sur la gueule hier sont de nouveau les meilleurs amis du monde, grâce à l’efficace médiation des dollars. Raison de plus pour encenser encore un peu plus ceux qui, envers et contre tout, refusent de gâcher leur légende. Exemple numéro un : The Smiths. Malgré les demandes incessantes et les chèques aux montants probablement indécents, ils n’ont toujours pas décidé de se reformer, même (surtout?) pour un seul concert de charité. Une telle intégrité est tellement rare qu’il fallait le souligner. Intégrité. Un mot intéressant pour définir Stephen Patrick Morrissey, dont Years of Refusal (et sa pochette typiquement invraisemblable) est le dixième album solo, et le troisième depuis son comeback marquant de 2004. Morrissey ne s’est jamais vendu, que ce soit pour la reformation des Smiths, donc, mais aussi à d’autres points de vue : il continue à faire ce qu’il veut, à sortir les albums dont il a envie un peu n’importe quand et pour n’importe qui (ce qui lui a valu quelques soucis avec son label) et – surtout – à tirer sur tout ce qui bouge dans ses paroles.

On se souvient de son engagement en faveur des droits des animaux (un album des Smiths s’appelle Meat Is Murder, et Morrissey refuse la traditionnelle présence de stands à burgers dans et autour des salles où il se produit) et, en général, de sa grande gueule. Morrissey, sur Years of Refusal, ne s’arrête pas une seconde, ridiculisant ses détracteurs tout en y ajoutant une sérieuse dose d’auto-ironie. Mais cette fois, il ne faut pas nécessairement se focaliser sur les paroles pour apprécier l’album, tant Morrissey a réussi à se renouveler, avec son album le plus rock depuis toujours, en fait.

Produit par feu Jerry Fill (Green Day et l’intégralité du punk californien), Years of Refusal est souvent musclé (Something Is Squeezing My Skull, Black Cloud, le carrément grunge All You Need Is Me), parfois limite indus (le rythme de Mama Lay Softly On The Riverbed) mais reste un album de Morrissey, avec ses syllabes bien séparées pour qu’on ne rate rien des bons mots du maître. Morceaux choisis : « I know by now you think I should have straightened myself out / Thank you good day » (Skull), « It’s not your birthday anymore / did you really think we meant / all those syrupy, sentimental things / that we said? » (It’s Not Your Birthday Anymore, violemment pompeux) ou diverses variations sur Morrissey lui-même (All You Need Is Me, I’m Ok By Myself, One Day Goodbye Will Be Farewell et surtout le poignant You Were Good In Your Time).

On l’aura compris, Morrissey ne fait – une fois de plus – pas dans la dentelle, et fournit le bâton avec lequel on adorerait le frapper. Mais que cela ne tienne, on pardonne facilement les quelques défauts de Years of Refusal (production un peu trop bourrine, recyclage de deux morceaux déjà présents sur le best of) parce qu’on aura toujours besoin de Morrissey, et que Years Of Refusal est un de ses meilleurs albums solo.